Elle marche à pas lents. Depuis cent ans, elle se terre dans l’obscurité de la forêt. L’une de ses oreilles a été sectionnée. Son poil tombe, longues touffes grises et sales, spectre pâle que nul ne regarde. Séparée de sa meute, on l’entend parfois gémir, tandis que de la nuit jaillit le bruit des bêtes : le piétinement des sangliers, les râles du chevreuil, l’envol de l’effraie. Un renard glapit et la louve murmure sa peine, seule et piégée entre deux mondes, ombre que le chasseur ne peut plus saisir et cependant que la peur contraint encore à se terrer. Louve errante, elle a traversé le siècle. Légende que seuls les enfants s’entêtaient à croire. Le spectre a pénétré les bois, franchi la rivière et longé les boraldes jusqu’à la montagne. Et c’est à cet endroit que leurs traces se sont nouées. La louve fantôme à l’oreille coupée s’est alors inclinée sur le passage de son semblable : un animal robuste et vivant. Tant d’années avaient passé et la bête était de retour.
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